Une importante décision {Pv Lord Cutler Beckett}

Une fois de plus,Leïla fit demi tour,achevant un énième aller-retour.Faire les cents pas pouvait être extrèmement répétitif et lassant au bout d'un moment,mais la jeune femme avait l'esprit trop préoccupé et attisé,si bien que ce seul moyen avait été trouvé pour se détendre et appaiser la tempête d'émotions qui faisait rage sourdement en elle.
Esprit effervescent car le matin,elle avait fait porter par l'intermédiaire d'un domestique un billet à Lord Cutler Beckett -décidément leur façon de communiquer préférée- l'invitant dans les règles de l'art à venir partager un dîner avec elle dès qu'il pourrait se libérer.L'auberge choisie par la demoiselle était la meilleure de tout Port Royal,à la clientèle sélectionnée scrupuleusement parmis les pontes de la ville et triée sur le volet autant que possible.Ayant une grande nouvelle à annoncer au patron de la Compagnie des Indes,elle brûlait doublement de le revoir.Cela faisait si longtemps... Le souvenir de l'anglais était encore vif en elle,chacun de ses mots,de ses sourires,son attitude et ses gestes,paraissaient avoir été gravés sur le marbre de son âme,de manière éternelle et incorruptible.La miss en tremblait presque d'impatience,et à chaque fois qu'elle croyait que la porte était poussée,au rez-de-chaussée,son coeur s'emballait.Pour se calmer,elle avait donc commencer à faire les cents pas.
Esprit tourmenté,parceque l'agencement de la salle avait requis une bonne partie de la journée,et donc une certaine dose de tension fébrile.La russe avait réservé tout le premier étage du bel établissement,et il avait fallu tout le personnel pour déménager les tables et les chaises en trop dans la cour désafectée,à l'arrière.Une seule table ronde,faite pour les dîners à deux,avait été instalée près de l'âtre,laissant un très grand espace de parquet,un vide protecteur et appréciable.Au fur et à mesure que le jour était tombé,l'auberge s'était vidée,la demoiselle ayant payé largement le propriétaire afin de n'être dérangée sous aucun prétexte.Le jour baissant,les persiennes avaient été closes,un bon feu s'était mis à crépiter dans la cheminée,et deux hautes chandelles avaient été déposées sur la table,leurs mèches bientôt incandescentes,ainsi que des couverts d'argent renvoyant le reflet de quiconque se serait mirer dedans.Leïla avait dû par la suite retourner au fort afin de se changer.Avait commencé alors la sempiternelle séance d'essayages qui précède tout rendez-vous romantique.Elle avait finalement opté pour une robe légère couleur perle lui arrivant jusqu'aux cheveilles et dévoilant une paire de ballerines en soie.Il ne fallait pas trop faire habillée,et en même temps signifier que cette soirée était importante pour elle,qu'elle voulait lui plaire,mais non se mettre de trop en valeur... Toute une recherche hésitante...
Nous retrouvons donc notre artiste,alors de dix-neuf heures trente venaient de sonner au clocher du fort.Elle s'arrêta pour les compter,et calculer le nombre de chances que Cutler avait de pouvoir se libérer.Sans compter la brûlante question suivante : avait-il seulement décidé de venir ? Voulait-il la revoir ? Malgré l'ardent espoir de voir ses voeux comblés,la jeune femme ne pouvait s'empêcher de se tourmenter avec cela,comme toute femme amoureuse.Les minutes semblaient s'égrener avec une lenteur exagérée alors que sur le palier,au bout du large escalier menant au premier,Leïla guettait les bruits de la rue.Tic tac tic tac... Une haute pendule rythmait en même temps que les battements de son coeur le temps qui s'enfuyait.L'excitation se mêlait à l'appréhension,la hâte à l'intimidation.Envie de le voir,crainte que tout cela ne soit pas assez bien pour lui... Lui plaire... Lui dire,oh,tout ce que l'étrangère avait à lui dire... Tout en sachant que les mots si bien préparés se perdraient dans le néant en croisant son regard bleu limpide... Cela au moins était certain... C'était frustrant,de ne pas savoir la fin de cette histoire... Et en même temps,Leïla n'aurait rien donné pour déjà arriver à la fin de cette nuit...
Le gérant vint l'avertir que ses cuisiniers s'activaient en cuisine,que les plats seraient servis dès que son invité mystèrieux -dont elle lui avait tu le nom par souci d'anonymat- et elle le désireraient,puis lui décrivit par le menu,et non sans manquer de se complimenter lui-même au passage,ce qu'on leur avait concocté.La demoiselle l'écouta à peine.On ne put même dire si elle l'avait entendu.La main posée sur la rambarde de l'escalier,dominant ce dernier et entrapercevant le bas de la porte d'entrée,en face d'elle,la russe n'avait qu'une chose,une personne,un nom,une voix,un visage en tête.
Lentement,répondant par des monosyllabes absentes au patron de l'auberge qui ne tarda pas à s'éclipser,elle replaça une mèche de cheveux échappée de son chignon tout simple derrière son oreille.
Vingt heures moins le quart.

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