Petite visite dans le bureau de son cher patron

-Trente-et-une...Trente-deux...Trente-trois...

James recomptait avec application les pages de son rapport relatives à la toute dernière expédition secrète envoyée à Tortuga dans le but de chiner le maximum de renseignements concernant les forces pirates,les instalations défensives,le nombre de vaisseaux...La rédaction de l'épaisse pile de documents lui avait demandé trois nuits blanches,mais Norrington en était assez fier,heureux d'enfin servir à quelque chose.
Le nez dans sa relecture,il avançait d'un bon pas dans le couloir menant au bureau de son supérieur hiérarchique,sans même regarder devant lui.Cependant,par habitude ou par l'action de réflexes insoupçonnés,l'officier ne percuta personne et slaloma avec adresse parmis le flot de commis venus içi sans doute dans le même but que lui : faire examiner leur travail.
Norrington frappa à la porte du bureau de Beckett,serein,habitué à ce "rite" qui se répétait très fréquemment à cause de son poste élevé d'Amiral.Pourtant,il n'y eu aucune réponse.Etrange...Le Lord se serait-il absenté ? Mais James ne pouvait se résoudre à repasser plus tard ou à attendre indéfiniment : comme l'avait requis celui dont la permission d'entrer manquait,la EITC ne devait prendre aucun retard ! Norrington tourna la poignée et ouvrit la porte...La grande pièce était vide.Au point où il en était,de toute manière...Le gradé fit quelques pas hésitants à l'intérieur avant de prendre de l'assurance et d'aller déposer les feuilles reliées d'un lien de cuir sur le bureau de son patron.Il contempla un instant avec un sourire satisfait sa "modeste" contribution à l'oeuvre que voulait mettre sur pieds Lord Beckett avant de remarquer,dans un coin sombre,à l'écart et oublié...Un clavecin recouvert de poussière.La tentation était si forte,et une idée lui passa par la tête...
L'Amiral,distraitement,laissa sa main droite courir sur les touches,jouant les premières notes de "God Save the Queen".Sa petite prestation lui arracha un sourire : il pouvait faire mieux,bien mieux...Cependant,il n'était pas là pour s'amuser ! Mais bon,il n'y avait personne,le silence régnait alentour...James se mordit la lèvre et céda à la petite voix qui lui murmurait de continuer à jouer.Prenant place sur le petit tabouret rouge qui accompagnait l'instrument et,remontant légèrement ses manches,entama timidement la première partie d'un morceau fort triste,certainement un Requiem.Et plus James avançait dans sa partition mentale,plus il prenait de l'assurance et,se croyant totalement seul,s'adonna à un de ses plaisirs inavoués : la musique classique...

Tout l'être du militaire se glaça instantanément.Non,ce n'était pas possible...Il ne pouvait manquer de chance à un tel point...Du calme,il ne fallait pas paniquer,le mieux était encore de rester stoïque...
Il se leva brusquement,immensément pâle,le souffle coupé par l'angoisse.Seulement,James avait bougé si vite que le couvercle de l'instrument se referma avec un bruit sourd.A un ou deux centimètres près,Norrington n'aurait plus eu de doigts à la main droite,et cette pensée le fit déglutir avec difficulté sous le regard scrutateur de Beckett.

-Milord...

"Je ne vous atendais pas maintenant","Je ne vous avais pas entendu vous glisser dans mon dos","je n'avais pas immaginé vous croiser à cet instant"...Toute ces remarques auraient été fort déplacées car,après tout,celui qui était en faute,c'était lui : il n'était pas dans son bureau et même s'il tirait profil bas,l'officier se trouvait dans une sitution dtestable,coincé dans un piège à souris où il étouffait déjà.

-Je...J'étais venu vous apporter un dossier et...

Si Norrington s'excusait,le Lord le prendrait pour un faible,mais s'il ne le faisait,les foudres allaient s'abattre sur lui...Bah,il avait vu pire par le passé,et ce qui ne tue pas rend plus fort.Sauf si cela vous envoyait définitivement et radicalement six pieds sous terre,justement.
Le gradé baissa la tête,se créant déjà une petite armure autour de son âme déjà si affaiblie.

-Je n'aurais pas dû me permettre une telle liberté,monsieur.J'oubliais délibérément ma place.Veuillez donc recevoir mes plus plates excuses.

Ce n'était pas autant avoir été surpris assis devant le clavecin personnel de Lord Beckett qui inquiétait l'Amiral,mais plutôt de s'être ainsi découvert,d'avoir montrer une partie de lui secrète et intime à un homme qui n'hésiterait pas une seconde à exploiter la faille.Il était tellement crispé qu'il était totalement passé à côté de l'humble éloge qui lui avait été faite sur sa manière de jouer.

Norrington regarda son patron assez...Etrangement.Certes,il n'était pas dans ses propres habitudes d'ainsi se dévoiler,mais il n'était pas dans celles du LOrd d'ainsi se montrer généreux ! C'était peut-être à cause de la châleur...Mais ce qui rendit James un peu plus mélancolique,ce fut le fait qu'il na'vait pas de chez-lui.Une simple chambre au fort,bien trop exiguëe pour pouvoir accueuillir un pareil cadeau aussi magnifique qu'il soit.Les autres officiers avaient tous acheté une maisonnée à Port Royal afin d'y loger avec leur épouse,leurs enfants,leur famille.Lui,il n'avait personne.Seul au monde.Comme Beckett,au fond.Seulement l'un se complaisait dans cette solitude,l'autre s'y noyait totalement.

-Je vous remercie de votre geste,Milord,mais un tel présent est tout à fait inutile,je vous l'assure.Votre sollicitude et servir sous vos ordres me satisfont déjà outre-mesure.

Chose incroyable compte-tenu de l'air d'enterrement que l'Amiral arobrait.De tels honneurs étaient incongrus et si surprenants...Oublier ses sentiments.Pour finir comme lui ? Ce n'était pas très encourageant.Et bien que l'Amiral luttât sans cesse contre lui-même,une part ed son âme résisterait toujours,même étouffée,même menacée des pires choses.Certains êtres ont besoin de plus que d'éloges ou de réussites matérielles...

-Fort bien,monsieur.Si vous permettez...

L'anglais avait repris de l'assurance et,se glissant dans le dos de son supérieur,tira à lui son ouvrage afin que,tout en lisant,Beckett puisse suivre en même temps.Deux cartes furent dépliées sur la surface de bois et l'index de leur dessinateur glissa successivement sur divers points tracés avec appliquation sur le parchemin.

-Nos espions m'ont conforté dans l'idée que Tortuga n'est en effet pas imprenable.En effet,l'île compte de nombreuses criques seulement habitées par des pêcheurs saisonniers.Les pirates se regroupent dans la ville,enserrée entre les contreforts des monts qui tiennent lieu de relief en ces lieux.Autour d'elle,la jungle inextricable et inexplorée,traversable en quatre jours au minimum.Toute fuite est donc impossible si les navires mouillants au port sont hors de course.Vous trouverez leur descriptif entre les fiches des hommes recherchés par la Couronne reconnus là-bas et les lieux de rencontre des capitaines.De plus,lors de mon...Séjour,j'ai remarqué que les réserves de vivres,et donc de rhum,se trouvaient près des maisons closes.Un incendie et la panique gagnerait les rues...Tous se rueraient aux navires...Et nos forces décuplées bloqueraient la sortie de la baie.Quelques cannonades et la prise de la ville serait pratiquement chose faite.La poursuite et l'arrestation des fuyards éventuellement survivants serait l'affaire d'une semaine,tout au plus.

James se redressa,à demi caché derrière le dossier du fauteuil,laissant Lord Beckett examiner à loisir les documents.

-Et vous seriez donc Gouverneur de Port Royal et de Tortuga...ajouta-t-il dans un murmure solennel,perdu dans ses pensées.

Une petite idée passa par la tête de Norrington.Oh,rien de vraiment méchant ou mesquin,juste un petit test pour son patron,dans le but de voir où sa confiance pouvait aller envers lui.

-Certes,l'Endeavour serait tout simplement parfait et ferait merveille à cette occasion.Et quel splendide rodage qu'une pareille attaque,en grandeur réelle,face à une dizaine de vaisseaux ennemis armés jusqu'aux dents...

L'anglais ne mettait pas beaucoup d'espoir dans cette corde lancée au hasard.Au mieux,il obtenait gain de cause,au pire,un remarque froide,comme si souvent auparavant.Sa feinte ne praeil cas était déjà soigneusement préparée dans un coin de son esprrit.

-Votre présence serait tellement avantageuse...Pourtant,je me dois de vous mettre en garde : votre décès serait la chose la plus regrettable que nous puissions craindre.Une telle opération comporte énormément de risques,et la EITC a encore tellement besoin de vous...

Il jeta un rapide coup d'oeil vers Beckett avant de reprendre,lentement,l'air de rien :

-Le commandement d'un tel vaisseau pourrait éventuellemnt être mis entre des mains sûres et aguéries à la bataille...

Comme les siennes,apr exemple...Son patron ne manqueriat certainement pas de saisir l'allusion sous-entendue et tournée avec talent...

hs: dsl pour l'absence


Le Lord leva la tête, l'air illuminé, mais évidement il lui fallait des mains sûres et agueries, sur lesquelles il puisse compter, un homme brave et discipliné, qui aurait déjà fait ses preuves....Mais oui Norrington.

Vous avez raison amiral, j'ai besoin de vous pour mener le Hollandais Volant au combat, vous êtes le seul qui puisse mener cette tâche à bien car c'est ce navire qui sera en première ligne et qui se jètera le premier dans la bataille,pendant que moi je serai sur l'Endeavour derrière le blocus de notre flotte, bien en sécurité comme vous l'avez si intelligiblement suggéré.

Lord Beckett avait envoyé l'amiral sur le seul bâtiment qui se jèterai dans la gueule du loup, mais enfin avec son expérience et son génie il ne risquait rien.

Hj : Ya pas de soucis,je ne sortirai pas ma propre cassrole ! XDDDD



Nom d'un chien...ça avait marché ! Incroyable ! Le culot pouvait parfois payer,alors ! Certes,la frontière avec l'insolence et la recherche de profit était mince.Mais comme cela pouvait être bénéfique ! La joie submergeait le coeur de James,si heureux de pouvoir enfin quitter son bureau où il s'ennuyait à mourir pour retrouver la mer,cette étendue liquide et salée sur laquelle il se sentait enfin lui-même...

-Je vous remercie,Milord,répondit-il,contrôlant son émotion pour qu'elle ne transparesse pas dans sa voix.Vous ne serez point déçu,je vous l'assure.

Loin de la terre et de tout ces réminiscences si douloureuses,que demander de plus ? Le Hollandais était un navire majestueux,fier au combat.Certes,l'équipage était un peu spécial...Mais l'anglais saurait s'imposer en douceur,comme toujours,et faire reigner les intérêts royaux là où il passerait.Quel rêve...Peu importait les risques,au fond ! Il vivrait une expérience unique et si en plus,il remportait la partie...Que de portes ouvertes...Même si Lord Beckett s'accaparerait le succès de l'opération ainsi que l'idée de base,comme toujours.Mais les vautours,privés de carcasses,finissent toujours tôt ou tard par mourir de faim...

-Savez-vous combien de nos nouvelles troupes seraient disponibles pour encadrer l'équipage déjà en place ? Une mutinerie serait une bien laide tâche sur un tableau de maître aussi parfait que ce...Votre plan,Milord.

Au début,ça faisait toujours un peu mal de sacrifier ses efforts d'une telle manière.Les fruits tomberaient de l'arbre prodigue de toute manière,pour James,la EITC,la Navy,l'Angleterre.

Les menaces du Lord,Norrington les connaissait par coeur.Dégradation,renvoi de l'armée,pendaison s'il était dans un de ses mauvais jours...Rien de vraiment nouveau,ni transcendant.L'échec était un des risques du métier,et James le courait sans peur,certain que la Justice triompherait malgré toutes les difficultés.Utopiste,imbécile heureux,trop grand rêveur ? Juste un optimiste espérant de tout coeur améliorer les choses.

-Ma vie ne vaut déjà plus rien,Milord.J'ai plus à gagner en vous servant avec ferveur qu'à faire cavalier seul.Tortuga sera à vous,ou je mourrais,voilà tout.

Surtout que,en cas de partie perdue et de reproches royaux,Beckett pourrait toujours rejeter la faute sur ses subordonnés au lieu de récolter les lauriers pour lui tout seul...C'était tellement plus facile,assis tranquilement dans un fauteuil ou sirotant une tasse de thé,derrière son armada...Mais l'Amiral n'était pas un lâche et combattrait pour ses idées et ses convictions ! A cet instant,rien ne semblait pouvoir entamer sa belle assurance qui se lisait clairement dans son regard.

-Puis-je utiliser les serviteurs de Davy Jones afin de prendre plus rapidement les quais ? Comme vous l'avez souligné tantôt,ils sont immortels et peuvent aller à terre,eux.

En réalité,James disait plus ce que Beckett voulait entendre que sa propre opinion.La véritée ? Il aurait donné jusqu'à son âme pour l'Angleterre,la véritable justice et non les pendaisons à répétition.Tout pour son patriotisme...Et Elizabeth.Quoi que son employeur fût capable de faire,d'entreprendre et de commander,cela ne suffirait jamais à effacer l'image de la pirate de son coeur.C'était trop tard ! Elle était trop ancrée en lui,à jamais imprimée dans son esprit,indélébile.

-Je me dois de vous détromper,monsieur.Vous seul détenez le pouvoir içi.Les choix ne sont que de vastes illusions pour séparer ceux qui le possèdent et ceux qui ne l'ont pas.Je fais partie de ce second groupe quoi qu'il arrive.

Ces mots n'avaient pas été prononcés avec froideur,mais avec une neutralité amère.Si ce maudit Pouvoir avait été donné au mérite,Norrington aurait été roi et le Lord valet de ferme.Mais le monde ne tournait pas comme cela,malheureusement...

-Avez-vous encore besoin de moi,Milord,ou puis-je disposer ?

Il posa sur son employeur un regard un peu vide.Son interlocuteur voulait de la précision ? Très bien,James agirait à la manière d'une machine bien huilée.Et seul son créateur pourrait se plaindre de sa conduite future...